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Négociation sociale : en finir avec l’empirisme

Que cela se passe pour un accord d’entreprise, une période de NAO (Négociation annuelle obligatoire), ou toute autre nécessité liée à la conjoncture ou à des évolutions réglementaires, les entreprises se retrouvent régulièrement en situation de négocier avec leurs collaborateurs.

La négociation sociale est un principe qui recherche une possible collaboration entre les différents acteurs, afin d’aboutir à une solution qui puisse satisfaire au mieux les parties.

Elle a une incidence directe sur la qualité de vie au travail et le climat social dans l’entreprise.

Et pourtant, trop souvent, c’est l’empirisme qui prévaut. Les représentants de l’entreprise s’en remettent à leur intuition (souvent issue de leur expérience, mais aussi à des pratiques usuelles, héritées pour certaines des trente glorieuses, et pour d’autres à des néodogmes tirés des sciences économiques et sociales récentes. Mais qu’en est-il de la psychologie, des leviers facilitateurs de l’adhésion collective ?

Alors que la négociation sociale prend de nouveaux visages et de nouvelles formes, il est crucial que les équipes concernées se forment pour aborder la négociation collective avec méthode.

Il y a d’autant plus urgence que le coût d’un conflit social qui s’enlise est considérable pour l’entreprise.

Dans ces conditions, comment développer les savoir-être et les techniques de négociation pour maintenir un climat social apaisé dans l’entreprise ?

 

Les coûts du conflit social en entreprise

 

Une image dégradée… mais pas seulement

Vous ne voulez pas que votre entreprise soit associée par ses publics à des images de grèves persistantes, de salariés en colère, voire de violence ? Et surtout, vous ne voulez pas que vos conflits sociaux et blocages inspirent une véritable défiance en ce qui concerne votre marque, ou votre réputation ?

Vous avez peut-être en tête le conflit social dans l’usine de l’équipementier automobile Continental ? Ou encore cette image du DRH d’Air France, en 2015, s’échappant, chemise arrachée, de la réunion du CCE de l’entreprise ?

Bien sûr, ces images sont marquantes car elles montrent l’impasse qui surgit brutalement dès lors qu’il y a rupture du dialogue. D’autres conséquences, moins visibles, pénalisent aussi douloureusement les entreprises :

  • Baisse de la productivité et de la motivation des employés
  • Dégradation des relations de travail
  • Augmentation de la rotation des employés et son corolaire de perte de compétence
  • Augmentation des coûts pour l’entreprise
  • Réputation dégradée auprès des clients et des investisseurs
  • Perturbation des activités commerciales
  • Rupture de confiance entre les strates managériales et leurs équipes
  • Exacerbation des tensions et des irritants, ce qui favorise la violence des positions

 

Des effets sur toutes les parties prenantes de l’entreprise

Le conflit social affecte aussi bien la dynamique interne de l’entreprise que ses relations avec son écosystème.

En interne, les effets sont à la fois immédiats et durables. Les collaborateurs impliqués dans un conflit n’ont plus la tête à leur travail et les tensions génèrent du stress. Les salariés perdent en motivation, en engagement et en productivité. La mauvaise ambiance ou le sentiment de ne pas être entendus affecte aussi leur motivation.

D’un point de vue externe, le conflit social entraîne des répercussions sur la perception de l’entreprise par ses clients. Les consommateurs sont sensibles aux valeurs que véhicule une entreprise. Ils auront tendance à se détourner d’une marque s’ils estiment qu’elle ne « respecte » pas ses salariés. De la même manière, les investisseurs seront réticents à s’engager auprès d’une entreprise associée à des conflits sociaux systématiques ou durables.

Enfin, le conflit social a un impact négatif sur la marque employeur. Les candidats recherchent des entreprises où le climat social est apaisé. Qui aurait envie de rejoindre un employeur fortement associé à des situations conflictuelles ? La problématique concerne aussi les collaborateurs en poste qui peuvent être tentés de quitter l’entreprise en raison des tensions qui y règnent.

Il est donc important pour les entreprises de gérer efficacement les conflits sociaux afin d’en minimiser les conséquences sur les employés et sur l’entreprise elle-même.

 

Comment aborder la négociation sociale et désamorcer les conflits ?

 

Sortir du réflexe de la lutte des classes

Traditionnellement, la négociation sociale se jouait sur le mode de la « lutte des classes » entre représentants syndicaux et dirigeants de l’entreprise. Mais cette vision est inopérante et dépassée aujourd’hui.

En premier lieu, le syndicalisme en France n’a plus le monopole des luttes sociales. Non seulement la part de salariés syndiqués est assez faible mais les modes de revendications sociales ont eux-mêmes évolué.

Des mouvements sociaux, comme les Gilets Jaunes ou les convois des libertés, ont émergé de façon « spontanée » à l’initiative d’acteurs évoluant en dehors des syndicats historiques. Les grèves à la SNCF en décembre 2022 sont d’abord issues de collectifs spontanés de salariés sur les réseaux sociaux. Souvent, les syndicats n’ont plus l’initiative du mouvement. Ils choisissent de le suivre ou non.

Il faut donc repenser en conséquence le modèle de la négociation sociale et tout simplement celui du « dialogue social ».

 

Sortir de l’empirisme

Là où, avant, les représentants de l’entreprise avaient en face d’eux des syndicats, la logique était plus binaire. Le conflit social se jouait sur un mode théâtralisé avec des confrontations très fortes et qui respectaient un quasi process officieux incluant chantage, menace et démonstration de rapport de force. Il fut même une période, dans les années 2000, où la prise d’otage de Dirigeants (Boss Napping) était devenue monnaie courante … et surtout non sanctionnée (la justice étant sacrifiée sur l’autel de la paix sociale). Pour preuve le « kit de survie du manager », enseigné dans les institutions les plus sérieuses, ou les paquets de gâteaux et sodas dans les placards du bureau, la chemise propre, ainsi que la plante verte (pour uriner dedans quand les grévistes refusaient toute accommodation des conditions de séquestration) étaient normalisés.

Aujourd’hui, la négociation sociale a pris de nouvelles formes. Les nouveaux meneurs revendiquent leur indépendance au « système », et ils réfutent les anciens modes de représentativité, qu’ils considèrent comme illégitime. Ce ne sont donc plus les leaders syndicaux d’antan.

Les positions sur les différents sujets sont plus mouvantes. Et, donc, plus compliquées à appréhender pour les négociateurs de l’entreprise. Ce n’est plus la ligne de l’entreprise contre la ligne du syndicat. Il peut désormais y avoir une multitude de micro-points de vue qu’on devra s’efforcer de prendre en compte pour trouver un équilibre.

La négociation sociale devient donc affaire de spécialistes. Elle n’est plus seulement entre les mains des RH mais incombe à des équipes dédiées à la relation et au dialogue social. Pour réussir leur mission, ces responsables du dialogue social doivent comprendre que la négociation sociale, aussi dure soit-elle aujourd’hui, est malgré tout possible et qu’elle concerne la façon dont toutes les parties prenantes cohabitent au sein de l’entreprise sur la durée.

Il est vrai que sortir de la logique d’affrontement n’est pas chose simple. Compte tenu des enjeux, les participants ont tendance à se retrancher dans des processus de culpabilisation, de fuite de deals de contreparties (souvent achetées à des prix déraisonnables). Parfois, certains cherchent à esquiver la pré-négociation parce qu’ils ont honte d’avoir si peu à donner ou, au contraire, ils craignent de passer pour des manipulateurs en offrant trop.

Pour sortir par le haut de ces situations, il faut remettre de la méthode et appréhender un ensemble de techniques pour :

  • Positionner la ligne de force dans une conversation
  • Définir un agenda précis pour un roadbook des rounds de négociation

 

Favoriser la négociation coopérative

La logique d’affrontement entre employeur et syndicats est dépassée. Il convient donc de créer les conditions d’un nouveau dialogue social en impliquant massivement les collaborateurs dans les discussions.

En premier lieu, il faut une volonté conjointe et réciproque d’instaurer un nouveau dialogue social. Il ne faut pas que l’une des entités se complaise dans le système précédent de blocage automatique, de posture jusqu’au-boutiste et fasse semblant de faire quelques petites concessions de façade, tout en cherchant à préserver son périmètre d’avantages acquis, ou systèmiques.

Il faut donc un renoncement qui soit réciproque. Pourquoi un renoncement ? Car au modèle d’impuissance qui gouverne actuellement, il faut opposer un nouveau partage de la gouvernance. C’est ce qui est le plus difficile à admettre. Le foisonnement chaotique des lois et règlements est aujourd’hui le principal frein à l’agilité et à l’amélioration de l’organisation du travail. Chacun s’arque boute sur ses droits, mais en ayant perdu le sens noble du travail : agir dans un collectif efficace pour tous et respectueux de chacun. Il faudra restaurer l’adaptabilité locale, circonstancielle. Tout ne peut pas passer par la loi et ce sont les accords « libres » et responsables, qui permettent d’accompagner les impératifs de croissance.

Et pourquoi réciproque ? Car ce sera douloureux ; ce sera accompagné d’un partage différent des modes de communication, de la représentativité, de la participation ; du format de travail, à distance ou en équipe délocalisées géographiquement et regroupées par espaces de coworking régionaux. Pour certains, ce sera vécu comme une perte de pouvoir, voire de leur toute puissance. Pour d’autres, cela affectera leur égo, ou leur capacité de domination, pour d’autre encore, cela passera par un renoncement à la rébellion systématique, à la critique dénuée de proposition objective et applicable.

Chacun voyant midi à sa porte, tous ont raison et tous ont tort. Il conviendra d’admettre qu’obtenir des résultats sera long et progressif. Rien ne se fera en quelques mois. Le changement en entreprise nécessite une énorme préparation de la stratégie en amont, beaucoup de calages, pour enfin espérer trouver une voie qui plaise et dans laquelle chacun aura l’envie de s’investir.

Il sera important d’encourager la participation de tous les employés dans les négociations, pour qu’ils se sentent écoutés et pris en compte. Pour ça, il faudra trouver des outils de participation adaptés à chaque écosystème local, à chaque silo de travail. Dans la doctrine moderne des forces armées, le commandement se délègue au plus près du terrain et de l’action. La contrepartie, c’est qu’à chaque problème il convient de proposer une (ou des) solution(s) possible(s). Le dialogue efficace se nourrit du respect des positions de « l’autre ».  Comprendre les besoins et les préoccupations de chaque partie aidera à réduire les malentendus et à se faire une idée précise des éventuels points d’équilibre à inventer. L’idée qui devra rester notre fil rouge, c’est d’obtenir un consensus de transformation de notre modèle, c’est à dire le PGDC (plus grand dénominateur commun) de notre volonté de modernisation.

Compte tenu des coûts liés au conflit social, la négociation sociale apparaît clairement comme une compétence-clé en entreprise.

Vous voulez vous former à la négociation sociale et apprendre à résoudre pacifiquement les situations potentiellement conflictuelles dans votre entreprise, mais aussi envisager les pistes permettant de faire évoluer le dialogue social vers un mode coopératif ? Contactez-nous et échangeons sur vos problématiques, avec nos consultants experts en négociation sociale.

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Rédaction : Christophe Caupenne et Frédéric Bonneton

Article rédigé par :
Négociation For One
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